La petite ville de Guise en Thiérache recèle un ensemble architectural unique et exceptionnel des débuts de l’âge industriel : le Familistère, ville dans la ville, utopie concrétisée. Il est l’oeuvre de l’axonais Jean-Baptiste Godin.
L’homme naquit à Esquéhéries, non loin de Guise, en 1817. Il quitta l’école dès l’âge de onze ans pour rejoindre le petit atelier de serrurerie de son père. A dix-huit ans, il effectua un tour de France comme Compagnon du Devoir. Au cours de cet apprentissage, il découvrit la misère ouvrière et les idées de Saint-Simon. Ses préoccupations sociales ne le quittèrent plus. A son retour, il déposa un brevet pour sa première invention : un appareil de chauffage en fonte. Ce fut le premier pas vers la grande renommée du « poêle Godin », fabriqué en série.
En 1846, Godin installa une petite usine à Guise avec 30 ouvriers. Il y en eut bientôt 1500 et la production, de 700 appareils par an, passa à 50 000. En 1853, craignant l’exil sous Napoléon III à cause de ses idées, l’industriel créa une succursale en Belgique, près de Laeken. Soutenu par sa réussite économique, Godin put nourrir ses idéaux sociaux. Il s’imprégna des thèses du théoricien socialiste Charles Fourier qui tenta d’imaginer une alternative à l’horreur de la condition ouvrière, et synthétisa ses idées dans le Phalanstère. A 40 ans, le prospère fabricant de poêles et objets en fonte décida d’exécuter à Guise un modèle social inspiré du phalanstère, « le familistère ».
De 1859 à 1882, Godin édifia le « palais social ». Le Familistère comprenait 500 logements loués aux ouvriers, mais aussi un « pouponnat », une école mixte et laïque, un théâtre, une piscine, des magasins. Pour promouvoir ses idées et faire fonctionner le familistère, l’industriel écrivait, soutenu par sa compagne Marie Moret, des règlements rigoureux, il publiait un journal, il organisait des fêtes. Il allait jusqu’à concevoir les matelas des berceaux du « pouponnat » !
Parallèlement, il s’installait sur la scène politique. L’oeuvre de Godin était exceptionnelle par son esprit autogestionnaire. Les ouvriers étaient intéressés à la gestion de la fabrique et aux bénéfices de l’entreprise. Surtout Godin mit en place un système de protection mutualiste. En 1880, huit ans avant sa mort, il créa la « Société du Familistère de Guise, Association du Capital et du Travail » dont les ouvriers étaient actionnaires. La coopérative fonctionna jusqu’en 1968, lorsqu’elle fit faillite sous la pression économique.
Aujourd’hui la fabrique Godin, rachetée par un groupe, est une société anonyme, et une partie des logements sont privatifs. Le bâtiment collectif principal d’habitation et les annexes sont accessibles aux visiteurs. La visite guidée commence dans le petit théâtre du familistère, où a lieu la projection d’un film sur l’oeuvre de Godin. Elle se poursuit dans les trois ailes du bâtiment d’habitation, organisée autour de cours intérieures couvertes. Elle inclut la découverte d’un appartement témoin, permettant de prendre connaissance du mode de vie des premiers familistériens au XIXe siècle. Enfin, elle conduit aux économats, au lavoir-piscine – invention étonnante –, au jardin du familistère enfin où est enterré le créateur de l’immense ensemble architectural.
Notre coup de cœur ?
Godin crée une piscine avec un plancher en caillebotis, permettant aux enfants d’apprendre à nager sans danger et s’adonner à la baignade. La buanderie-piscine est un ensemble spectaculaire à découvrir absolument !
Rendez-sur le site officiel du Familistère de Guise
Place du Familistère, 02120 GUISE
Tél : 03 23 61 35 36